Une jardinière de mots

Roseline Bernaud Cardinal : Écrivaine. Poète. Épouse. Muse.

Née le 21 mai 1941 à Thonon-les-Bains, en France ; décédée le 13 octobre 2024 à Montréal, d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA) à l'âge de 83 ans.

La vie de Roseline se déroule comme un roman magnifiquement écrit, avec pour toile de fond les paysages pittoresques de la France et les rues animées de Montréal.

Née sur les rives paisibles du lac Léman, elle était la troisième des quatre enfants de René, photographe, et de Marie, professeure de français.

Roseline a passé son enfance et son adolescence à Cannes, dans un petit appartement à deux rues de la dernière demeure du maître de la nouvelle française du XIXe siècle, Guy de Maupassant – un présage subtil, peut-être, de son propre parcours littéraire.

Élève enthousiaste, Roseline excellait en français, en musique, en histoire et en art, même si les mathématiques n'étaient pas son fort. Lectrice assidue, Roseline a vécu de nombreuses vies au fil de ses livres. Le décès de sa mère, Marie, en 1959 fut un moment charnière qui jeta une ombre sur sa jeunesse. Le deuil menaçait de la consumer, mais la poésie lui tendit une main salutaire. Se plongeant dans l'écriture de centaines de poèmes, elle navigua sur les mers tumultueuses du chagrin et trouva du réconfort dans le rythme des mots.

Une rencontre fortuite en 1962 changea le cours de sa vie. Lors d'une visite au garage du père d'un ami, Roseline croisa le chemin de Marcelin Cardinal, un peintre canadien possédant un atelier à Cannes. Une invitation à son vernissage entraîna un rendez-vous manqué suite à un malentendu, mais les excuses sincères de Roseline ravivèrent leur lien. Marcelin devint l'amour de sa vie, et leur lien se consolida lors de voyages en bateau jusqu'à New York, où Marcelin présenta ses œuvres. Marié à Fort Lee, New Jersey, en mai 1965, le couple s'installe finalement à Montréal en 1971. Là, Marcelin transforme un garage vacant en atelier d'art, tandis que Roseline continue de « cultiver son jardin de mots ». Conciliant divers emplois, elle se consacre pleinement à l'écriture, contribuant à des magazines comme Châtelaine et créant des textes diffusés sur les ondes de Radio-Canada et de la Radio Suisse Romande. Son talent est reconnu en 1979 lorsqu'elle remporte le premier prix du 7e concours de fiction radiophonique de Radio-Canada, dans la catégorie 30 minutes. En 1988, son recueil de nouvelles, Juliette et les autres (Éditions Hurtubise), est publié et salué pour sa beauté, chaque récit étant comparé par un critique à une perle précieuse ornant un collier.

Roseline et Marcelin ont choisi de se consacrer l'un à l'autre et à leurs passions artistiques. Leur maison du chemin Queen Mary était un havre de paix, empreint de créativité, de collaboration respectueuse et de joie de recevoir des amis. Roseline était le point d'ancrage de Marcelin, lui apportant la stabilité nécessaire à sa création, tandis qu'il appréciait ses réflexions sur son travail. Leur partenariat témoignait d'un soutien mutuel et de rêves partagés.

Le décès de Marcelin en octobre 2019, à l'âge de 99 ans, fut une perte profonde pour Roseline. L'apparition de la pandémie de COVID-19, peu après, accentua son isolement, la privant du réconfort de sa famille et de ses amis. Pourtant, une fois de plus, elle trouva refuge dans l'écriture, écrivant l'histoire de leur amour durable – une démarche thérapeutique qui combla le fossé entre son passé et son présent.

La santé de Roseline déclina rapidement au printemps 2024, et on lui diagnostiqua une SLA la veille de son décès, le 13 octobre, clôturant un chapitre poignant d'amour et de dévouement indéfectibles.

L'idée de Roseline et Marcelin réunis dans un jardin serein et éternel de couleurs, de lumière et de mots offre un réconfort doux-amer. Leur histoire est plus que la chronique de deux vies entrelacées ; c'est une célébration de la façon dont l'art et l'amour peuvent profondément façonner notre existence.

Le dévouement de Roseline à la créativité et à la littérature a apporté du réconfort dans les moments difficiles, et sa résilience continue d'inspirer, nous rappelant la beauté qui émerge lorsque nous embrassons nos passions sans réserve.

Agnès Bernaud est la nièce de Roseline ; Christopher Lucarotti est un ami.

Photos : avec l'aimable autorisation de la famille.